Nous sommes derrière le rideau de fer dans les années de guerre aussi froide que pouvaient être les hivers de Roumanie, dans les années 50. Né dans une belle et grande maison à Bucarest, qui par la volonté de l’histoire et des alliés, ressemblait, pour mon jeune age et à mon ingénuité, plus à la pension Radicelle qu’à la demeure du Docteur Jivago, je découvrais Vaillant le journal le plus captivant.
C’est ma tante, la sœur de ma mère, avec l’air sévère de Mlle Radicelle qui surveillait de près mon éducation, après celle de mon frère aîné. Elle avait réussi à donner à mon frère le goût pour la lecture et pour la langue française. Son arme la plus efficace était les recueils de Vaillant, qu’elle dénichait dans l’arrière-boutique d’une petite librairie. Et elle était prête à se battre, pour les avoir. Elle m’avait raconté comment, un jour, un de ses chefs, arrivé après elle, essayait de les lui piquer. Je me l’imaginais volontiers, défendre héroïquement ces trésors à coups de parapluie. Bien fait !
Tout ce que je me souviens de cette époque éloignée, dans les années 50, ce sont les histoires joyeuses et colorées de Pif et de sa famille, de Placid et Muzo, de la Pension Radicelle et aussi les fantastiques aventures du petit fantôme, Arthur. Je dévorais tout ça du regard, plus que je ne lisais. En effet je n’avais pas encore appris à lire, mais m’immerger si tôt dans cet « illustré » au format aussi grand que moi, m’ouvrira un amour pour l’image sous toutes ses formes. Je garderai toujours en mémoire cette odeur de papier et d’encre qui ont longtemps bercé mon enfance.
Quelques années plus tard, au tout début des années soixante, je me rappelle notre facteur qui, dans son grand carton gris, lui servant de musette, nous apportait le courrier, mais surtout, chaque semaine, le journal Vaillant. Nous avions un lapin noir qui, tous les matins, nous rendait visite dans notre lit et semblait encore plus heureux, avec nous, les jours où il participait à la cérémonie de la lecture du Journal le plus captivant.